Cette nouvelle a été écrite dans le cadre d'un concours proposer par la plate forme d'auto-édition Librinova et le magazine Lire Magazine et dont la marraine est la talentueuse Mélissa Da Costa. La première phrase en gras est imposée, le texte est libre ! Le concours prend fin le 1 juillet 2023. N'hésitez pas à venir m'encourager en likant ma nouvelle ! 

Concours d'écriture de Librinova (concours-ecriture.com)

(L'inscription nécessaire pour accéder à la nouvelle se fait via FB, aucune adresse mail à enregistrer !)

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Courir sur la plage, à l'aube, accompagnée du vol des goélands était un plaisir absolu que

rien ne pouvait gâcher, ni la pluie, ni les rafales, mais ce matin, son pied buta contre un objet
à demi enseveli dans le sable qui faillit l'envoyer au tapis : une bouteille en verre à l'intérieur
de laquelle se trouvait une lettre jaunie.
Noémie se baissa pour la déterrer et observa le
papier roulé sur lui-même à l’intérieur. Il semblait sain
; le bouchon de liège était bien enfoncé
et avait préservé la précieuse lettre. Elle retourna à sa maison, à quelques mètres de la plage
et fila prendre une douche bien chaude. Les cheveux encore humides, elle alluma la radio, mit
l’eau de son thé à bouillir et remplit la gamelle de Chat-Mallow, son Maïn Coone, qui
ronronnait en se frottant à ses chevilles. Attablée pour son petit-déjeuner, elle regarda
l’horizon par la fenêtre de la cuisine
: l’averse printanière avait cessé et de timides rayons de
soleil venaient caresser la surface de la mer encore houleuse, comme pour lui intimer l’ordre
de se calmer. Noémie aimait ce moment de paix, juste avant de commencer sa journée de
travail. Enfin prête, la jeune femme enfourcha son vélo et rejoignit la place du 14 juillet, le
centre névralgique du petit village dEcrin-sur-mer, situé sur la côte roussillonnaise.

La librairie de Noémie, Les livres d’Angèle, était idéalement située entre le café et l’épicerie,
face aux bancs qui entouraient le terrain de boules. La petite boutique ouvrait comme chaque
jour à neuf heures trente précises. Les lumières douces mettaient en valeur les étagères
remplies de livres variés et des coins lectures habilement disposés. Une musique soul invitait
à flâner le long des bibliothèques blanches. Tout au fond de la boutique, le coin des enfants,
beaucoup plus coloré, disposait d’un espace dédié à L’heure du conte. C’était un moment
privilégié qu’affectionnait beaucoup Noémie. Chaque mardi et vendredi matin, parents,
assistantes maternelles et depuis quelques mois, la classe de CM1 de Monsieur Roux, se
pressaient et se lovaient dans les coussins posés à terre pour écouter la voix douce et
envoutante de la jeune femme.

Après le déjeuner, Noémie se rendit au café d’à côté, Chez René, dont le propriétaire se trouvait
être son parrain.

-
Bonjour René ! lança la jeune femme avant de se pencher par-dessus le comptoir en
inox pour embrasser un vieux monsieur aux joues rondes et au crâne dégarni, un
torchon à carreaux rouges jeté négligemment sur son épaule.

-
Bonjour ma Nono ! Comment vas-tu ?
-
Très bien ! Regarde un peu ce que j’ai trouvé pendant mon footing ! dit la jeune femme
en sortant de son sac sa trouvaille du matin.

René ajusta ses lunettes et examina la mystérieuse bouteille. Un petit attroupement de curieux
se forma autour du bar.

-
C’est une bouteille de limonade ! On voit « limonade » sur le côté, là, moulé dans le
verre. Et en regardant le cul, on peut lire... 1950
! L’année de fabrication ! J’en déduis
que ta bouteille date du début des années cinquante
! Pffuit ! siffla-t-il. Le message à
l’intérieur a près de soixante-dix ans
!

- Et beh ! Ouvre- ! lui intima Pinot, un habitué du café qui commençait déjà à spéculer
sur une hypothétique carte aux trésors.

Après quelques minutes de résistance, la jeune femme retira enfin le bouchon, fit glisser
la lettre jaunie dans sa main et la déroula précautionneusement. À côté du vieux Pinot,
l’instituteur du village était lui aussi attentif, suspendu aux lèvres de Noémie qui déchiffra
péniblement une belle écriture penchée mais en partie effacée par le temps :


«
Cher voyageur,
J’envoie cette bouteille à la mer pour voir jusqu’où elle ira. Nous avons étudié
les courants marins à l’école et ceci est une expérience scientifique
! Je suis
un passionné de science
! Mon père m’emmène pêcher demain, c’est
l’occasion. Je jetterai cette bouteille au large d’Ecrin-sur-mer, en France.
Dîtes-moi qui vous êtes et où vous avez trouvé cette bouteille
! Je pourrai
mieux comprendre les courants marins
!
Ecrin-sur-mer, le 24 septembre 1951.

Voici mon adresse pour me répondre
: C...»


-
C’est incroyable ! murmura Noémie. Ce petit garçon a envoyé cette lettre il y a plus de
soixante-dix ans
!
-
C’est qui ce C. ? demanda Pinot en se grattant la tête.
-
Il faudrait regarder les prénoms des élèves commençant par la lettre C présents dans
l’école en 1951, je peux jeter un œil si vous voulez
? proposa monsieur Roux.
Noémie se tourna brusquement, elle n’avait pas vu qu’il était là. C’était la première fois
qu’elle se retrouvait avec lui en dehors de l’école ou de l’heure du conte qu’elle organisait avec
sa classe chaque mois, dans sa librairie. L’instituteur devait avoir environ trente-cinq ans. Il
était assez grand, brun, les yeux châtains et une belle carrure de rugbyman : massif
!
-
Oui c’est une bonne idée ! Les archives, d’accord, on peut faire ça ! Je veux dire vous
pouvez regarder
! bafouilla-t-elle.
-
Très bien je vais jeter un œil, sourit l’instituteur-rugbyman. On se voit jeudi prochain
pour l’heure du conte
? Et... appelez-moi Lucas ! À jeudi !
-
À jeudi ! le salua-t-elle d’un geste alors qu’il avait déjà franchi la porte.
René, qui n’avait rien perdu de la scène, sourit
: il avait bien remarqué les joues de sa
filleule rosir et son sourire un peu niais
! Sa petite Nono en pinçait pour le bel instituteur !
Le jeudi suivant, le message de la bouteille toujours en tête, Noémie choisit un conte
de marin. Elle proposa un petit atelier décriture en demandant aux enfants d’imaginer
quel message ils auraient envie d’écrire et de mettre dans une bouteille. Lucas profita de
ce moment de calme pour lui exposer le projet de fin d’année dont il avait eu l’idée
:
organiser une grande exposition sur la vie du village et de l’école dans les années 1950, en
mettant à contribution les habitants. Les élèves deviendraient de véritables petits
journalistes, allant à la pêche aux anecdotes de leurs aînés
! Peut-être ainsi retrouveraient-
ils qui était le petit C.
?

 

 

Noémie était complètement sous le charme de l’instituteur et de son projet. Elle accepta
avec plaisir d’être la marraine de cette exposition et proposa de s’occuper de trouver des
photos du village de ces années-là. Les enfants étaient également très enthousiastes. Très
vite, les groupes d’apprentis journalistes s’organisèrent. Ils convinrent de faire un point
chaque semaine des avancées de chacun. La directrice de l’école, Mme Vieille, était
enchantée par le projet. L’exposition pourrait avoir lieu pendant la fête de l’école à la fin
du mois de juin.

Des affiches furent créées par les enfants et distribuées aux commerçants. Un article dans
le journal local parut et une interview de Lucas et de Noémie à la radio pour informer les
habitants de la future exposition fut organisée pour obtenir un maximum d’informations :
témoignages, photos, coupures de journaux... Bientôt, le projet de la classe de CM1 fut
dans toutes les conversations
!
Les enfants découvrirent des photos de leur école soixante-dix ans
auparavant : l’entrée
des filles d’un côté, celle des garçons de l’autre, le tableau noir, l’estrade, les bureaux avec
les encriers et les buvards et les blouses des écoliers
! Il y avait même un poêle à bois dans
le coin
! Ils découvrirent que le bonnet d’âne n’était pas une légende, qu’une morale était
dictée chaque jour dans le cahier avec cette écriture caractéristique des porte-plumes
Sergent Major. De grands panneaux avec des photos, des anecdotes commencèrent à
prendre forme et certains villageois proposèrent même de prêter leurs anciens livres et
cahiers de leçons. Chaque semaine, Noémie se rendait dans la classe de CM1 et aidait les
petits journalistes à faire le tri de leurs investigations, à organiser les futurs panneaux et
écrire des exposés pertinents.

Noémie, passa des heures aux archives municipales à scanner des photos de la place et
des rues du village
: le café de René était déjà là, sa librairie était une mercerie, tenue alors
par sa grand-mère, Angèle, passionnée de couture et de lecture. C’est pour lui rendre
hommage qu’elle avait nommé sa librairie Les livres d’Angèle, expliqua-t-elle à Lucas qui ne
manquait pas une occasion de l’accompagner dans ses recherches. C’était sa grand-mère
qui l’avait élevée après le décès brutal de ses parents. Quand elle était tombée malade,
Noémie avait quitté son travail dans le marketing et son appartement en ville pour revenir
s’occuper d’elle. Après son décès, elle resta dans le village où elle avait grandi. Passionnée
de livres, elle avait décidé d’ouvrir sa librairie et elle s’y consacrait pleinement depuis cinq
ans.

Petit à petit, les pancartes prenaient forme, les enfants redoublant d’imagination. Une
seule chose manquait : l’identité de C., l’auteur du message de la bouteille. Lucas avait
épluché les archives de l’école. Malheureusement, un incendie au milieu des années 1970
avait fait disparaître la plupart des documents. Dès lors, il n’avait pu compter que sur les
mémoires bien souvent approximatives des anciens élèves. Noémie eut l’idée de
rencontrer les résidents de la maison de retraite toute proche, mais là encore, Lucas et elle
firent chou blanc.

L’identité de l’expéditeur du message était la dernière pièce du puzzle. Tout était prêt pour
l’exposition dont la bouteille et son précieux message étaient le fil conducteur. Les enfants

 

 

refusèrent de se résigner. C. était peut-être mort comme les avait avertis leur instituteur,
mais il était peut-être encore en vie, avaient riposté les enfants
! Il fallait absolument tenter
le tout pour le tout. Une copie de la lettre fut donc transmise au journal local proposant
une récompense à quiconque aurait des informations à transmettre à la classe de CM1 de
monsieur Roux
! En effet, la directrice s’était engagée à offrir un panier de cookies (sa
spécialité
!) en échange de toute information concrète et pertinente quant à l’identité de
C.
!
Enfin le grand jour arriva ! À cette occasion particulière, tout le village fut convié à pénétrer
la cour de l’école où une partie était consacrée à l’exposition. La bouteille et le message
étaient au premier plan, suivis de tous les panneaux des enfants. Des photos des élèves
d’autrefois accolées à leurs portraits d’aujourd’hui provoquèrent des fous rires
: qu’est-ce
qu’on change en soixante-dix ans
! Pendant ce temps, de l’autre côté de la cour, la kermesse
battait son plein
! Et quitte à être là, autant en profiter pour retomber complètement en
enfance
: défoncer le chamboule-tout, acheter une part de gâteau maison et un verre de
jus de fruits ou punaiser la queue de l’âne au bon endroit, les yeux bandés évidemment !
La recette n’aura jamais été aussi importante, dira plus tard en riant la directrice
!
Noémie était rayonnante dans sa robe bleue que le vent faisait légèrement onduler. Cette
exposition lui permit de sortir de sa librairie, de s’ouvrir un peu plus, notamment à Lucas
qui ne la lâcha pas de l’après-midi
! C’est qu’elle était jolie la petite libraire avec ses cheveux
châtains relevés en chignon, des mèches s’échappant et dansant dans le vent léger. Ce soir,
ils auront rendez-vous tous les deux. Et cette fois, ce ne sera pas pour parler de l’exposition
ou du message de la bouteille
! Un vrai rendez-vous galant !
Noémie aperçut un homme âgé près du panneau principal de l’exposition. Les enfants
avaient dessiné le paysage de la plage en collant du sable et des coquillages et en fixant la
bouteille au milieu
! Prenant appui sur sa canne, le vieux monsieur avançait en clopinant,
se faufilant au milieu de la foule. Il enleva ses lunettes de soleil et s’éventa avec sa
casquette. Noémie s’approcha doucement de lui
:
-
Monsieur ? Est-ce que ça va ?
-
Oh oui, très bien mademoiselle ! C’est mon message rendez-vous compte ! Ce jour-là,
mon père m’a emmené à la pêche. Il m’a aidé à enfoncer le bouchon pour que mon
message ne prenne pas l’eau. J’ai attendu des mois mais je n’ai jamais eu de réponse
!
Mais, je vois que mon nom s’est effacé
! Je m’appelle Charles Lévêque !
-
Je suis ravie de vous rencontrer, répondit la jeune femme, émue de découvrir l’auteur
du message.

-
Je me souviens bien de ce moment : c’était une magnifique journée de printemps.
Nous sommes partis de bonne heure avec mon père. Ma mère nous avait préparé des
sandwichs. Elle m’a aidé à bien fermer la bouteille afin que mon message reste bien au
sec. J’aimais faire des expériences scientifiques, se remémore-t-il en souriant.

-
C’est formidable que vous soyez là ! Je vais chercher Lucas, je veux dire monsieur Roux,
l’instituteur qui a organisé l’exposition avec ses élèves
!

 

 

Noémie alla chercher Lucas occupé à remettre en place le chamboule-tout. Surexcitée, elle le
prit par le bras et l’emmena rejoindre le panneau principal. Charles Lévêque n’était plus là.
Incrédule et un peu déçue, Noémie le chercha des yeux, en vain. Lucas croisa les bras et sourit
en attendant que Noémie s’explique
:
-
Je ne comprends pas... Il était là il y a à peine deux minutes !
-
Il t’a dit quelque chose ?
-
Bravo les jeunes ! C’est du bon boulot qu’ils ont fait les enfants ! les fit sursauter Pinot,
l’habitué du café.

-
Vous connaissez Charles Lévêque ? demanda Noémie.
Pinot réfléchit en se grattant la tête
:
-
Charles Lévêque mais bien sûr ! Il était plus âgé que moi mais je crois bien me souvenir de
lui
! Il me semble qu’il est parti étudier et vivre à Toulouse. Le pauvre est décédé il y a
quelques années...

-
Vous êtes sûr ? demanda Noémie abasourdi
-
Noémie regarde ! s’écria Lucas en lui désignant le message sur la feuille jaunie.
En bas du message plastifié pour le préserver, le nom de Charles Lévêque était écrit à l’encre fraîche.

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